mercredi 17 octobre 2018


Terres de glace
(Roman) Jeunesse / Aventure Fantasy
AUTEUR : Cassandra O'DONNELL (France)
EDITEUR : FLAMMARION JEUNESSE-Hors Collection, 6/2018 — 224 p., 10 €
SERIE : Malenfer Les Terres de magie 5
COUVERTURE & ILLUSTRATIONS : Jérémy Fleury
Autres titres du cycle : 1.La forêt des ténèbres – 2.La source magique – 3.Les héritiers – 4.Les sorcières des marais
→  Grâce aux pouvoirs de Diseuse de Zoé son frère Gabriel, le jeune maître dragon et ses amis ont pu sortir vainqueur de la bataille des marais de Houquelande qui les opposaient aux Souriciens et aux sorcières félonnes. Mais si Zoé s'était révélé alors comme l'une des créatures magiques les plus puissantes de ce monde, elle   n'était pas encore capable de contrôler l'étendue de ses pouvoirs, ce qui la rendait aussi dangereuse pour ses ennemis que pour ses alliés. Dés lors Batavius, le sorcier-lune de Gazmoria, mentor de Gabriel, l'héritier qui s'est dressé face à toute puissance des Souriciens, décide de l'envoyer chez Haya l'ancienne, une vieille magicienne habitant dans une grotte de l'autre côté des Terres Magiques qui devra lui apprendre à maîtriser son don. Malgré ses réticences, Zoé accepte de monter sur le dos d'Elzemath, le dragon de ténèbres lié à Gabriel, qui la conduira vers Haya. Pendant ce temps l'Héritier et ses compagnons, M. Plexus le nain, Mme Cranechauve le troll, Mme Laurence la sorcière, Ysallandrill l'elfe de glace, Mme Elfie l'elfe et M. Lycantropus le loup-garou, partent en direction du pays des lacs où ils ont localisé la présence de Linus, l'un des trois chefs souriciens qui ont juré la perte des Héritiers. En chemin, ils rencontrent une sorcière mourante qui leur annonce qu'un traître se cache dans leur rang, puis ils font étape dans la cité marchande de Mitrill dirigée par les Erzath, des gnomes aux pouvoirs terrifiants. Pendant ce temps Zoé conduite par Elzemath arrive dans son village de Wallagar et constate que celui-ci a été détruit et que sa famille a disparu. Cependant leurs amis Thomas, Ezéchiel et Morgane sont encore en vie, mais prisonniers des ombrachs. Gabriel devra les délivrer avant de s'enfoncer dans les Terres de Glace jusqu'au palais des sanguinaires loups-garous où M. Lycantropus, en réalité le prince Eliazad, banni de son royaume par son propre frère, le maléfique Linus, devra se battre pour récupérer sa couronne, tandis que se profile l'ombre menaçante d'un terrible cavalier noir. Le second tome de la nouvelle trilogie, Malenfer Terres de magie, série de Fantasy  imaginant un univers où le monde a été séparé entre les terres magiques et celles de humains dont le premier tome La forêt des ténèbres a été adapté en BD, qui confirme tout le talent de Cassandra O'Donnell, auteur jeunesse à qui l'on doit également le succès du cycle du Monde Sombreterre. Une nouvelle fois elle entraîne ses lecteurs dans une passionnante aventure pleine de magie et de dragons portée par des personnages dont on partage avec tout autant d'intérêt les multiples péripéties auxquelles ils sont confrontés que les émotions qui les animent.

lundi 15 octobre 2018


Un homme plein de misère
(Roman)
AUTEUR : Jacques ABEILLE (France)
EDITEUR : GALLIMARD JEUNESSE-Folio SF 612, 8/2018 — 818 p., 11.20 €
SERIE : Le Cycle des Contrées
COUVERTURE : Anne-Gaëlle Amiot
Autres titres du cycle : 1.Les jardins statutaires – 2.Le Veilleur du Jour – 3.Les voyages du fils – 4.Chroniques scandaleuses de Terrèbre – 5.Les mers perdues – 6.Les Barbares – 7.La Barbarie – HS.Le monde des Contrées
  Un matin les barbares furent là. Ils n'arrivaient pas seuls mais eurent tôt fait d'être les maîtres de Terrèbre. Puis ils évacuèrent la ville afin de permettre  à leurs chevaux de se nourrir en toute liberté. Peu à peu la population oscille entre résistance et collaboration, tandis que la cité éventrée s'ensauvage de plus en plus. Au sein de cette occupation mal définie perce la présence du narrateur, le "Professeur", jeune linguiste qui est le seul à parler le langage des barbares venus de steppes et qui s'est vu offrir par un mystérieux voyageur le dernier livre des jardins statuaires, ce haut plateau de l'est du continent où des jardiniers pas comme les autres faisaient surgir de terre de fascinantes statues de pierre en voie d'extinction. Or le Prince, énigmatique chef des troupes d'invasions, qui a unifié les tribus nomades pour parvenir à ses fins, le convoque juste avant de quitter la ville avec toute son armée. Ainsi le Professeur devient l'historiographe de cet homme qui semble ne pas avoir toujours toute sa raison engagé dans un voyage de plusieurs années dans le vaste monde des Contrées afin de retrouver une jeune fille et son père. Un individu parfaitement insérée dans l'atmosphère de fin de monde qui domine le livre et dont la noire mélancolie s'écoule lentement au fil des pages. A ses côtés des individus hors normes, comme une étrange magicienne bleue, Uen'Ord, son fidèle et impressionnant lieutenant, et Félix, jeune esclave capturé destiné à devenir le secrétaire particulier du linguiste. Tandis que les nomades rentrent peu à peu chez eux, l'imposante armée se délite progressivement pour ne former à la fin qu'un petit groupe regroupé autour de leur Prince. Tout au long de cette vaste pérégrination l'auteur a le mérite de toujours maintenir le fil de l'intrigue, tout en nous invitant à partager les états d'âmes d'un linguiste spectateur impuissant d'un monde en train disparaître, celui des nomades dont les tribus se sédentarisent les unes après les autres, celui de la fin des jardins statutaires et de l'imaginaire baroque qu'ils engendraient. Véritable récit initiatique, le roman ne néglige pas pour autant les auras de l'aventure guerrière, avec des rencontres singulières, telles ces amazones qui terrorisent les plus vaillants cavaliers, ou les tombes de la vallée des Anciens Rois, sans oublier des guildes aux ramifications tentaculaires telle que celle des hôteliers. A la fin de ce voyage épique qui, sous le maque de l'étrangeté brosse des préoccupations et des ingérences se télescopant avec les errements de notre quotidien, on s'attardera sur un Professeur vieillissant et malade qui se lit d'amitié avec Ludovic Lindien, le fils de Barthelemy Lecriveur, le narrateur du Veilleur du jour qui avait écrit ses mémoires et livrait ainsi des pans de révélations sur le disparition du chancelier Louvois, juste avant l'invasion de Terrèbre par les barbares, et sur l'atmosphère de trahison qui régnait dans la ville. Grand admirateur de Gérard de Nerval, à qui il a dédié le Veilleur du jour, second tome du Cycle des Contrées, Jacques Abeille a côtoyé la mouvance du surréalisme, et l'on peut aussi entrevoir dans on œuvre des influence de Gracq ou de Borges. Reconnu sur le tard, Jacques Abeille se défini lui-même comme un écrivain obscur réfugié dans la littérature à la perte de sa première passion, la peinture, après la découverte de son daltonisme. Puisant le titre de son roman dans un passage des pensées de Pascal : «Qu’on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnie, penser à lui tout à loisir, et l’on verra qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères», il continue de fourvoyer ses lecteurs dans un imaginaire enténébré que porte à merveille sa plume incomparable plongée dans l'encrier d'un déclinant archaïsme. Pas de véritables leçons de morales dans ses pages, où chaque protagoniste du Cycle des Contrées peut se considérer responsable, à moindre ou grande part de la lente agonie de l'univers ambiant, nouvelle passerelle nous rapprochant de notre propre condamnation programmée de la planète qui nous abrite. Reprenant les ouvrages, Les Barbares et La Barbarie, paru aux éditions Attila en 2011, ce livre est une nouvelle perle au sein d'une œuvre qui trouva son juste miroir graphique dans les dessins de l'illustrateur François Schuiten, auteur des couvertures de certains volumes chez Attila et dans le roman graphique Les mers perdues publié chez Attila en 2010. Assurément un livre qui ne contribuera qu'à confirmer l'étiquette de singularité dont peut légitimement s'honorer son auteur digne des plus grands créateurs d'univers anglo-saxons.


Les serres du pouvoir
(Roman) Jeunesse / Dragon Saga
AUTEUR : Tui T. SUTHERLAND (Usa)
EDITEUR : GALLIMARD JEUNESSE-Hors Collection, 9/2018 — 380 p. p., 16 €
SERIE : Les Royaumes de Feu
TO: Wings of fir. Talons of power, Scholastic, 2017
TRADUCTION : Vanessa Rubio-Barreau
COUVERTURE : Phil Falco
ILLUSTRATIONS : Joy Ang
→ Dans les 8 premiers tomes de cette série de Fantasy qui met en scène une civilisation de dragons, on avait suivi les aventures des cinq Dragonnets du Destin, Argil, Tsunami, Gloria, Comète et Sunny, élevés en secret par les Serres de Paix et, qui selon une prophétie, détenaient seuls le pouvoir d'empêcher qu'une terrible guerre dévaste le monde des dragons. Mais ces derniers s'aperçurent vite que la fameuse prophétie n'était qu'un stratagème des Ailes de Nuit pour s'emparer du monde de Pyrrhia, l'univers des dragons. Heureusement grâce à leur ténacité et à leur courage ils finiront par juguler le péril personnalisé par la terrible reine Scarlet et par fonder l'école de la montagne de Jade où les jeunes dragonnets de chaque clans, Sable, Boue, Ciel, Mer, Glace, Pluie, et Nuit, peuvent apprendre à se connaître et à s'apprécier en dépit de leurs différences. Tout semble donc désormais être entré dans l'ordre jusqu'à ce qu'un jeune Aile de Nuit découvre une nouvelle prophétie qui incite à prendre garde à une sinistre part d'ombre, à un être qui hante les rêves sombres, et aux serres de feu et du pouvoir, annonçant la destruction de la montagne de Jade, à moins de retrouver une mystérieuses Cité de la Nuit. Et voilà justement que Spectral, le dragon ancestral des légendes resté prisonnier sous terre pendant deux mille ans, est réveillé par Péril. Les dragonnets, terrorisés, semblent avoir tout à redouter de lui, d'autant plus que selon la légende il n'aspirerait qu'à se venger de sa compagne Clairevue qui l'avait trahie en s'enfuyant avec l'Aile de Mer Percevagues. Cependant, tout au contraire, il se montre enjoué et presque prévenant, n'hésitant pas à aider les dragons qu'ils rencontrent. Cependant, Triton, le jeune Aile de Mer, le soupçonne de dissimuler ses véritables intentions, car Spectral est un dragon télépathe, mais surtout un Animus, c'est-à-dire qu'il est capable de jeter des sorts sur tout ce qui l'entoure. Alors, est-ce que la sympathie générale qui suit son passage ne serait pas due à un simple envoûtement ? Triton qui, dés son plus jeune âge, rêvait de devenir un héros, mais qui avait vite déchanté en s'estimant responsable de la mort de jeunes dragonnets sur le point d'éclore, profite également de ses talents d'Animus, qu'il a dissimulé à son entourage, pour se rendre invisible et ainsi épier les moindres actions de Spectral. Bientôt, il sera aidé dans sa tache par la jeune Aile de Pluie Kinkajou, dont il est secrètement amoureux Malheureusement il devra faire face aux instincts meurtriers de sa sœur Anémone, elle aussi dotée du talent d'Animus, qui semble avoir lié son sort à celui de SpectralDe son côté le grand dragon noir, jouant sur la peur et le respect qu'impose sa puissance, est bien décidé à devenir roi des Ailes de Nuit, au détriment de Gloira, la reine actuelle, dont l'autorité a été remise en cause car elle n'est pas originaire du clan. Et si tous les efforts de Triton pour l'empêcher de réaliser ses diaboliques projets ne se terminaient que par une lamentable constant d'échec… La suite d'une série pour adolescents plébiscitée à travers le monde dont l'auteur augmente habilement le nombre des personnages en les incluant dans le cœur du récit où apparaissent également d'anciens protagonistes de la saga, ce qui a pour effet de fidéliser les lecteur tout en leur offrant le surplus de piquant et de nouveautés nécessaires pour alimenter le flux de l'intrigue. Un livre toujours accompagné par un précieux dossier répertoriant les différents clans de dragons, par une carte du monde de Pyrrhia et par les remarquables illustrations de Joy Ang.

mercredi 10 octobre 2018


L'épée de l'hiver
(Roman) Aventures Fantasy
AUTEUR : Martha RANDALL (Usa)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 604, 4/2018 — 374 p., 7.40 €
TO : The sword of winter, 1983
TRADUCTION : Nathalie Serval
COUVERTURE : Alain Brion
Précédentes publications :
● Opta-Club du Livre d'Anticipation 121, 9/1986 — 400 p. — Couverture & illustrations de Florence Magnin
● Les Moutons Electriques, 5/2016 — 240 p., 19.90 € — Couverture de Melchior Ascaride
→ Rien ne prédestinait la farouche cavalière Leyth à croiser le chemin de l'orphelin Emris. Et pourtant,  en dépit des réticences de la jeune femme, leurs destins vont se trouver étroitement mêlés dans un monde menacé par le chaos déclenché par la lente agonie du tout puissant seigneur Gambin, qui a régné en tyran pendant de nombreuses années sur la glaciale province de Jentesi. Or, non content de prolonger plus que de raison son séjour sur terre, le perfide despote retarde la désignation de son successeur, ce qui, immanquablement provoque un affolement général parmi ceux qui espèrent coiffer la couronne à sa place. Une progéniture d'où émerge l'inquiétante présence de Culdyn, dangereux prince héritier dont notre héroïne se méfie au plus haut point et qu'elle n'entends surtout pas servir comme elle a été obligée de le faire en tant que femme-lige du diabolique Gambin. Ouvrant son premier chapitre dans la chaude atmosphère d'une taverne villageoise, enchaînant sur une suite de paysages enneigés et se terminant dans un huis-clos au sein du château de Jentesi, une citadelle minée par toutes sortes de complots et de trahisons, ce livre alterne avec bonheur les changements de décors tout en permettant aux lecteurs de s'appuyer sur une galerie de personnages finement ciselés  poussant secrètement leurs pions au seins de sanglantes intrigues qui permettent de maintenir l'attention à chaque détours de page. Tandis que les relations entre Leyth et Emris, farouchement résolu à découvrir le mystère d'une origine dont il est bien loin de deviner toutes les implications, le récit s'enfonce langoureusement dans la volontaire ambivalence provoquée par l'immersion dans ce décor semi-moyenâgeux. Un univers rongé par les transformations où dagues et épées, baronnies et guildes, dont celle des cavaliers transportant les messages à travers tout le royaume, et machine divinatoire cohabitent avec la modernité naissante d'un télégraphe balbutiant et d'une première ligne de chemin de fer, tandis des prémices d'armes à feux permettent de lutter contre les incursions préoccupantes  des Piégeurs. Porté par un personnage féminin qui affirme son emprise sur son entourage, ce qui, somme toute, représentait une thématique assez rare dans un roman écrit en 1983, ce livre, publié la première fois en France en 1986 dans la prestigieuse collection du Club du Livre d'Anticipation des éditions Opta avec les riches illustrations de Florence Magnin,  puis repris aux Moutons Electriques en 2016, méritait amplement cette réédition poche servie par une remarquable couverture d'Alain Brion qui nous transporte tout de suite dans l'ambiance aventureuse des premières pages du récit.
Autres couvertures :


lundi 1 octobre 2018


Kaboul et autres souvenirs de la Troisième Guerre Mondiale
(Recueil de nouvelles) Uchronie
AUTEUR : Michael MOORCOCK (Royaume Uni)
EDITEUR : DENOËL-Graphic, 7/2018 — 223 p., 23 €
TRADUCTION : Jean-Luc Fromental
COUVERTURE & ILLUSTRATIONS : Miles Hyman
SOMMAIRE :  ● Danse à Rome ● Escale au Canada ● Rupture à Pasadena ● Kaboul ● Incursion au Cambodge ● Le retour d'Odysseus
→ Que ce soit à travers son cycle d'Oswald Bastable ou les romans ancrés dans le Multivers (Elric, Erekosë, etc…) le vénérable auteur britannique Michael Moorcock nous a habitué à flirter avec l'Uchronie. Dans ce nouveau recueil brillamment imagé par les illustrations couleurs pleine page de Miles Hyman, il s'inspire à nouveau de cette thématique chère aux auteurs natifs de la perfide Albion. C'est ainsi qu'il nous invite à partager tout au long de six nouvelles l'errance à travers un monde en décomposition de Tom Dubrowski, espion russe d'origine juive. Nous faisons d'abord sa connaissance alors, qu'infiltré à Londres sous l'identité d'un antiquaire polonais, il est envoyé à Rome par son chef afin, en tant qu'agent dormant, de surveiller ses homologues ainsi que les traîtres éventuels, tout en signalant quiconque pouvait s'avérer d'une quelconque utilité pour les rouages obscurs des services du FSB. Tandis que les troupes de l'OTAN débarquaient à Chypre et que l'alliance syrienne équilibrait à peine la coalition israélo-égyptienne, Tom, à peine arrivé dans la cité éternelle, développe assez vite une relation intime avec Suzie Yellowless, petite anglaise venue du monde de la pop-music, qui le faisait profiter de son cercle d'amis et qui lui présenta Peter Martin et John Fuller, un couple d'homosexuels américains que ses supérieurs soupçonnaient d'appartenir à la CIA. Cette Danse à Rome se termine par un avortement et une mutation express à Kaboul. L'étape suivante de cette lente promenade au bord du gouffre nous propose une Escale au Canada, dans laquelle le narrateur en profite pour nous en dire un peu plus sur son passé, tout en continuant de retracer, sur fond de signature de pacte russo-indien, une nouvelle rencontre avec ces femmes souvent ectoplasmiques et interchangeables qui meublent son existence de nomade désœuvré. La suite, après un bref intermède à Maracaibo, entraîne notre globe-trotter de l'Armageddon dans Une rupture à Pasadena où il retrouve Julia, une ancienne compagne en train de mourir, frappée comme tant d'autres par épidémies et radiations sur une Terre où l'Afrique et l'Australie ont déjà été rayés de la carte. Puis, d'agent infiltré évoluant au sein d'une bourgeoisie parfois aveugle aux errements de la civilisation, Tom se transforme en mercenaire sans âme membre d'une troupe hétéroclite composée de survivants des forces spéciales de l'Onu et de l'Otan, d'un détachement d'Ouzbeks, de quelques Sikhs, de pas mal de bandits ramassés en chemin et d'une majorité de cavaliers cosaques placés sous le commandement du colonel Savitsky et en route vers Kaboul, qui donne son titre à  la nouvelle, alors que des frappes nucléaires venaient de détruire Lahor et Amristar. Spectateur désabusé d'une débandade généralisée, Tom ne participe par aux massacres perpétrés sur des prisonniers ou des civils, à la torture systématique ou au viol collectif, même s'il tue parfois quelqu'un par inadvertance. Non, il se contente de revivre quelques heures d'un amour sans lendemain avec la séduisante Emmy dans les caves d'une capitale afghane devenue une pâle copie d'Hiroshima. Incursion au Cambodge, le cinquième récit du recueil porte en lui les accents d'un Apocalypse Now revisité avec un Stavisky devenu commandant de division et son lot d'embuscades, de destructions de villages, de charges folles à travers les rizières, tandis que des champignons rougeoyants montent dangereusement sur l'horizon. C'est donc sans surprise que dans le dernier texte du livre, Le retour d'Odysseus,  on épilogue sur un Tom mourant qui, tel l'Ulysse de l'Odyssée, retourne dans son Odessa Natale frappée  par la quarantaine occasionnée par le terrible virus VB, afin de rencontrer une dernière fois sa famille et de s'embarquer sur une vieux Léviathan des mers bourré de munitions avec des compagnons condamnés comme lui au sein d'une pathétique flotte des Vétérans. Rien donc de vraiment réjouissant dans ce livre qui résonne comme une sorte de testament écrit sous la plume d'un auteur qui avoue son impuissance face aux dérives de notre propre quotidien dans des phrases comme : "Nous sommes tous fautifs. Pas seulement Trump, Poutine ou Kim. Nous sommes entrés en somnambule dans une guerre qui a commencé furtivement et s'est achevée dans le silence." Mais, comme toujours, nous sommes pris dans le canevas de la narration mordante et intimiste d'un écrivain qui nous invite à partager toute les désillusions de son nouvel anti-héros qui, tel le Elric melnibonéen, marche sans conviction vers sa mort annoncée, le tout mis en lumière par les images géantes et captivantes de l'artiste Miles Hyman donnant à ce livre une sorte de développement cinématographique aidant le lecteur à s'approprier l'histoire comme un téléspectateur rivé aux épisodes de sa meilleure série dans  un récit convoquant tous les fantasmes moorcockiens parcourus par les soubresauts d'un féminisme n'arrivant pas à se déterminer, des fanatismes religieux, de la propension humaine à scier la branche sur laquelle il est assis et de sa mauvaise foi proverbiale concernant son implication directe, même quand il s'agit du propre suicide d'une espèce humaine si irresponsable qu'il mérité bien d'y appartenir.