(Recueil) Fantastique
AUTEUR : Mélanie FAZI (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio
SF 537, 1/2016 — 336 p., 7.70 €
COUVERTURE : Bastien
Lecouffe-Deharme
Précédente
publication :
Bragelonne-L’Autre, 10/2014 — 256 p., 15 € — Couverture de Fabrice Borio
→ Après Notre-Dame aux écailles et Serpentine
voici le troisième recueil de nouvelles de Mélanie Fazi, que les lecteurs de
Fantasy et de Fantastique on appris à connaître, tant à travers ses textes
empreints d'une pernicieuse mélancolie que par ses remarquables traductions
notamment celle de la trilogie des Iles glorieuses de Glenda Larke. Dans
Swan le bien nommé, nouvelle qui ouvre ce recueil on retrouve
tout le talent de l'auteur capable de nous transporter derrière le miroir sans
tain de l'histoire pour nous inviter à suivre les mésaventures d'une narratrice
confrontée aux talents maléfiques de Marie-Anne, sa belle-mère envahissante,
une femme qui ne tolérait pas les échecs et qui, après l'avoir fait fuir de sa
propre maison, était parvenu à transformer son frère en un délicat mais pitoyable
cygne. Heureusement l'autre Ole Ferme l'Oeil, pas le bonhomme au parapluie qui
lui racontait des histoires le soir dans sa chambre, mais le grand prince noir
dont l'ombre est synonyme de mort, saura lui trouver un moyen d'exprimer sa
vengeance L'arbre aux corneilles est un conte de Noël dans lequel
on entre sur la pointe des pieds pour écouter les confessions de la narratrice
qui retrouve les émois de ses Noëls d'enfance à travers les présents
qu'apportent d'étranges Corneille, le tout se confondant avec les fascinantes
impressions provoquées par un début de grossesse. Miroir de porcelaine est
un récit sur la création artistique, sorte de mythe de Frankenstein
revisité avec une créatrice quelque peu dépassée face à l'automate qu'elle a
conçu, le tout saupoudré d'une délicate et perverse sensualité. L'autre
route débouche sur le fantastique à l'état pur quand un père ramenant sa
fille chez sa mère emprunte par mégarde
une route qui conduit vers un univers parallèle hanté par des créatures
inquiétante et dans lequel il aura le plus grand mal à ne pas se laisser
sombrer, Les sœurs de la Tarasque
marque la première apparition du personnage du Dragon dans ce recueil. Ici, il
s'incarne sous la forme de L'Avatar, un cracheur de feu capable de prendre
forme humaine à qui sont destinées des élues, des jeunes filles élevés dans un
couvent isolée, Rachel en fait partie, un grand honneur pour sa famille, mais
pas pour elle, symbole de révolte emplie d'interrogations et bien décidée à ne
pas se laisser corseter par les règles qui régissent ce monde de sacrifiées consentantes.
Le pollen de minuit débute par une phrase choc qui, tout de suite capte
l'intérêt du lecteur : « Chaque fois qu'un humain s'endort, une de
mes sœurs s'éveille » et nous invite à découvrir l'existence de
créatures fascinantes nées de la symbiose entre le monde du merveilleux et un
cerveau humain enfin capable de rêver avec, à nouveau, de subtiles approches
vers la naissance et la transmission. L'été dans la vallée raconte
l'histoire d'un don, celui d'une jeune fille dotée d'une voix envoûtante dont
sa vallée de naissance ne voudrait pour rien au monde se passer. Pourtant elle
a décidé de quitter ce lieu, en dépit du désespoir de Noé, son copain de
toujours, et parce qu'elle sent bine en elle les ravages vers lesquels le
pouvoir qu'elle détient peut conduire. Le jardin des silences, qui donne
son titre au recueil, nous entraîne dans ces petits recoins oubliés du monde
que recèle la capitale parisienne ainsi qu'à l'intérieur des pensées d'une
narratrice tourmentée comme aime si souvent nous les décrire Mélanie Fazi. Ici,
le surnaturel se mélange au polar, tout en poésie et en tensions exacerbées à
travers les apparitions d'un étrange bonnet et les tribulations d'une vie de
couple dansant sur le fil du rasoir. Née du givre est avant tout une
histoire de possession. Basée sur la thématique de miroirs elle nous narre avec
un fatalisme rédhibitoire la trajectoire d'une sorte d'Alice qui,
progressivement, se laisse engloutir par son propre reflet la dépouillant peu à
peu de tout ce qui faisait sa personnalité dans un récit marqué par le sceau
d'un horreur psychologique qui prend lentement aux tripes. Dragon caché,
seconde intervention de la thématique des cracheurs de feu dans ce recueil,
focalise l'intrigue sur Abel, un petit garçon mi-humain mi-végétal fruit des
mutations engendrée par l'histoire d'une nature contaminée. On y découvre
comment il va devoir faire face à la méchanceté de ceux qui ont décidé
d'éradiquer tout ce qui semble bizarre ou simplement quelque peu différent de
leur sacro-sainte banalité. Grâce au dragon caché, minuscule organisme intégré
au sien dont le cœur battait à l'unisson, dont les chairs et le système nerveux
s'entremêlaient étroitement et qui lui permettait, qu'il soit dragon d'eau ou
de terre, d'air ou de feu, d'apprivoiser la nature et de la plier à sa volonté,
il av parvenir à gravir peu à peu les étapes conduisant à l'âge adulte synonyme
de force et de libre arbitre. Avec, au bout du chemin, les retrouvailles avec
Providence, le dragon de terre de la pauvre Amalia victime de la folie des
hommes et de leurs détestables préjugés. Un bal d'hiver revient sur la blessure
de la perte, celle que causse la disparition d'un être cher. Pour la jeune
Oriane, c'est sa mère, dont Judith, nouvelle compagne de son père, tente
d'usurper la place. Mais, contrairement à Marie-Anne, la belle-mère sorcière de
Swan le bien nommé qui ouvrait ce recueil, Judith est placé sous le
signe de la bienveillance comme le prouveront les fantômes qui l'accompagnent
et le son d'une flûte qui aidera Oriane à surmonter sa difficulté de continuer
à vivre. Enfin Trois renards sous le prétexte de la fable
fantastique campant les traits d'une violoniste capable de donner vie par son
seul talents à trois renards qui transcendent son œuvre, Mélanie Fazi nous
plonge en plein drame conjugal et offre un vibrant plaidoyer sur l'intolérable
malaise de la violence entre êtres qui se sont aimés ou qui, pire s'aiment
encore, avec pour phrase marteau, personne ne vous fait aussi mal que ceux
qui vous connaissent le mieux, mais cependant une lueur d'espoir pour
terminer ce remarquable recueil qui, comme l'auteur le précise dans une
interview, alors que ses premiers textes étaient assez sombre, ouvre la voie
vers de choses plus lumineuse.
Autre couverture :
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