(Roman) Thriller Fantastique
AUTEUR : Raphaël EMERY (France)
EDITEUR : DENOËL-Lunes
d’Encre, 6/2017 — 197 p., 19 €
COUVERTURE : Aurélien
Police
Précédente publication : Inculte,
1/2010 — 224 p., 28 €
→ Ce premier roman de
Raphaël Emery nous plonge en plein thriller néo-gothique, sur fond de
monstrueuse parade à la Freaks ou
d’une Famille Adams revisitée à la
mode sanglante et bien moins souriante. On y découvre une galerie de personnages
dignes des meilleurs films d’épouvante ou de L’île du docteur Moreau de
Wells, sans oublier une thématique d’enquête policière sur fond de tueuse en
série. Justement celle que pistent les pornarinologues, sorte de société
secrète partagée entre divers courant qui a pour but de traquer Pornarina, la
mystérieuse prostituée à tête de cheval qui tue ses victimes, des hommes
uniquement, en les émasculant. L’intrigue du roman ce focalise sur l’un d’entre
eux, le docteur Franz Blazek, teratologue (spécialiste de la science des
monstres) de 84 ans vivant dans un immense et sinistre château médiéval. Fils
de sœurs siamoises, il a passé sa vie à rechercher toutes sortes de monstres et
se complait indéniablement en leur compagnie. Pourtant, Antonie, la jeune femme
devenue sa fille adoptive qu’il a sauvé des ghettos de Kiev, n’est est pas une
à priori, bien qu’il ait réussi au prix d’un patient apprentissage à la
transformer en une sorte de ninja féministe, redoutable tueuse rompue à toutes
sortes d’assassinats. La première partie du roman se déroule dans la demeure
forteresse de ce vieillard opiniâtre qui évolue au sein d’une sorte de cabinet
de curiosité macabre dont le lecteur est peu à peu invité à partager toutes les
déviances de fantasmes inavouables, partages de souffrance, de jouissance, de
soumission exaltée et d’automutilation. La seconde nous conduit à Florence où
Blazek a envoyé sa tueuse d’élite doté également d’un réel talent pour
l’espionnage grâce à ses facultés de contorsionnistes. Son but, en savoir un
peu plus sur un certain Fell, pornarinologue qui prétend avoir capturé
l’énigmatique castratrice dont une partie de la gente masculine que compte la
secte de chasseurs ne rêve que de tuer pour redorer le blason de leur sexe mis
à mal par les émasculations répétées. Malheureusement, Antonie n’est pas
particulièrement doué pour l’investigation et inaugure avec Fell sa technique
personnelle d’expédition ad-patres : la décapitation. La suite du récit,
cisaillé par des personnages riche d’étrangeté, comme un Sherlock Holmes
émasculé, prolonge l’ambiance malsaine qui plane sur l’ensemble d’un livre qui,
sur fond de guerre des sexes et d’apologie des tueurs en série, restitue le Grand-Guignol
du siècle dernier tout en peignant un univers rongé par les crimes sexuels où la vengeance est érigé en dogme de
religion libératrice. Dès lors, on trouvera ici l’occasion rêvée d’embarquer
dans une sorte de train fantôme aux mille et une perversions où la frontière
séparant les véritables monstres des humains normaux aux pratiques déviantes a
tendance à se confondre dans la porosité d’une dépravation devenue le leitmotiv
de l’existence. Pour son chant du cygne en tant que directeur littéraire de la
collection Lunes d’Encre, Gilles Dumay nous démontre une fois de plus sa
capacité indéniable à repérer des ouvrages hors normes sur lequel il peut ainsi
jeter un nouvel et vivifiant éclairage.