(Roman) Thriller musical
AUTEUR : Fabrice COLIN (France)
EDITEUR :
GALLIMARD-Folio SF 580, 6/2017 — 240 p., 7.20 €
COUVERTURE : Gérard Dubois
Précédente publication : Inculte,
1/2010 — 224 p., 28 €
→ S’ils est un écrivain
français de SF et de Fantastique reconnu, Fabrice Colin nous a depuis longtemps
habitué à un production qui s’éloigne des sentiers battus, comme pouvaient
l’exprimer par exemple l’onirique Or not
to be (L’Atalante, 2002) ou le nom moins surprenant Sunk (Moutons Electriques, 2006) écrit en collaboration avec David
Calvo. La reprise de ce roman publié en janvier 2010 aux éditions Inculte (avec
en prime un cahier dépliant de photographies en fin de volume) s’inscrit dans
cette veine des livres à part, difficilement classifiables. Indubitablement, il
s’agit de l’ouvrage d’un fan destinés aux autres admirateurs de Radiohead, le
célèbre groupe de rock britannique aux mélopées planantes (lénifiantes diront
les détracteurs) ancrées dans une noirceur envahissante qui depuis 1991, date
de création du groupe sous ce nom (il s’appelait avant On a Friday) ne cesse de déployer ses tentacules mélodiques sur la
partition du monde. Décalquant sa propre addiction sur le héros de son roman,
Fabrice Colin va nous conter la trajectoire mouvementé de Bill Madlock, jeune adolescent
en surpoids traînant une existence solitaire de mal aimé au rythme des
sonorités des cinq d’Oxford qui finissent par l’habiter comme un démon entrant
dans la peau d’un possédé. Du diabolique, il en faut dans cette trajectoire
pour expliquer pourquoi Bill en arrive en 2008 à tirer sur un spectateur d’un
concert de Radiohead. Mais la résolution de l’énigme réside essentiellement
dans l’approche de ce fan absolu envers son groupe mythique et surtout dans sa
certitude qu’il est le seul à avoir découvert le sens cachés que recèlent les
chansons du groupe, bien plus apocalyptique qu’on pourrait le croire. Pour
étayer son propos Fabrice Colin nous propose trois pistes autant sonores que
littéraires. La première s’inscrit de façon épistolaire à travers les lettres
qu’un Madlock vieilli écrit depuis l’hôpital/prison où il est interné en
attente de jugement s’efforçant de prouver aux médecins qui se penchent sur son
cas qu’il est loin d’être fou comme ils le prétendent. La seconde déroule une
biographie des premiers pas musicaux de Radiohead (jusqu’à la commercialisation
de Kid A en 2000). Un texte
chirurgical pondu par un vulgaire tâcheron que découpent aux scalpels les
remarques acerbes de Bill rompant la monotonie de ce récit journalistique. La
troisième, la plus poignante, revient sur les origines, l’enfance boulimique et
dominée par une mère castratrice du pas très tranquille Bill Madlock qui, alors
que tout va s’écrouler dans le monde qui l’entoure (cf. le sous-titre chez
Inculte, Radiohead, la fin du monde et
moi), compte bien assurer la protection de Thomas E. Yorke (le leader du
groupe) et de ses comparses, quoiqu’il
lui en coûte. A la fois biographie décapante de l’un des groupes phares
britanniques de ces dernières années qui n’aura désormais plus de secrets (même
pour les rares qui en avait jamais entendu parler), ce roman met également en
exergue les étroites implications qui lient le rock, en tant que composante
musicale, au développement anarchique de nos sociétés ainsi qu’à toute une
dramaturgie apocalyptique et complotiste, toute en peignant un tableau au
vitriol d’une fraction de cette jeunesse britannique qui, si elle ne fait pas
toujours la une des tabloïds, reste partie prenante dans les mutations
convulsives qui agitent depuis des années l’ex-Empire de Sa Gracieuse Majesté.
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