lundi 14 août 2017

Port d’âmes
(Roman) Aventures Fantasy
AUTEUR : Lionel DAVOUST (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 577, 5/2017 — 688 p., 9.30 €
COUVERTURE : Alain Brion
Précédente publication : Scrinéo, 8/2015 — 544 p., 23 € — Couverture de François Baranger
Après s’être fait une place dans le monde de la SF (Nouvelle-Crobuzon de China Miéville, la thématique des univers-ville s’est également imposée dans celui de la Fantasy. Les lecteurs du genre ont eu ainsi le plaisir de parcourir les ruelles au parfum de magie de la Mother London de Michael Moorcock, de la Lankhmar de Fritz Leiber, la Neverwhere de Neil Gaiman, pour n’en citer que quelques unes parmi beaucoup d’autres. Ils découvriront dont avec un tout intense émerveillement les trésfonds d’Aniagrad où le jeune Rhuys, héros charismatique ayant traversés les tribulations de la déchéance et du revival, devra se frayer un chemin semer d’embûches et de mille e tune perversions. Dans ces précédents livres, le roman la volonté du dragon (Critic,) et le recueil La route de la conquête, Lionel Davoust nous avait présenté l’univers d’Evanégyre, un monde créé de toute pièce dans lequel il nous invitait à entrer semant sur notre route une multitude de détails autant géographiques, qu’historiques ou sociologiques. Situé chronologiquement dans le futur de cet univers le récit se déroule à un moment d’extinction des Ages Sombres, cette période qui a suivi le déclin du Saint Empire d’Asrethia, voyant se perdre dans le bourbier de l’oubli les avancées technologiques aussi bien que sociales qui faisaient sa splendeur. On y suit la trajectoire de Rhuys ap Kaledan, jeune noble déchu, forcé de travailleur pendant 8 ans au galère pour rembourser les dettes contractées par l’un de ses oncles dévoré par le démon du jeu. Désormais libre, Rhuys arrive à Aniagrad afin de redorer le blason de sa famille qui a été acculée à la ruine par des financiers peu scrupuleux passés maître dans l’art de profiter des faiblesses de leurs débiteurs. D’abord guidé par, qui l’initiera notamment aux transferts, ces rituels magiques qui permettent à un acheteur potentiel de partager pour un temps les émotions liées à un moment clé de la vie d’un vendeur, Rhuys, dans sa quête de réhabilitation va justement tomber entre les mailles du filet que les Administrateurs, pontent intouchables du règne de la Finance, tissent sur Aniagrad, monde clos à cheval entre Renaissance et Moyen Age devenue une redoutable cité du mensonge dont les habitants ne sont que des pions au service d’un but qui les dépasse et dont ils ne sont véritablement que les misérables victimes. Rhuys, tout au long des    page de cet ouvrage devra apprendre à évoluer entre les murs de cette cité franche où tout semble permis, sauf ce que les lois des Administrateurs interdisent, et alors malheur à ceux qui ont l’imprudence de les transgresser. Un grand moment de fantasy mis en valeur par une couverture dans un style très « orientaliste » d’Alain Brion.
Autre couverture :
Enoch
(Roman) Fantasy Historique
AUTEUR : Estelle FAYE (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 567, 1/2017 — 240 p., 8.20 €
SERIE : La voix des oracles 2
COUVERTURE : Pierre Droal
Précédente publication : Scrinéo, 5/2015 — 352 p., 16.90 € — Couverture de Aurélien Police
Dans le premier tome de cette trilogie nous avions fait la connaissance de Thya, fille d’un brillant général romain Gnaeus Sertor, mais aussi dotée d’un pouvoir d’Oracle héritait d’un passé révolu qui attirait la convoitise aussi bien des hommes que des Dieux. Fruit d’un véritable et minutieux travail historique l’histoire nous propulsait dans une Gaule plongée sous l’ombre d’un empire romain en déclin dans laquelle les anciens dieux s’évanouissaient peu à peu face à la lente mais inexorable progression du christianisme. Ainsi la fuite de Thya et de son compagnon Enoch, le Maquilleur, lui aussi promis à un destin hors du commun, nous entraînait dans une exploration à la fois géographique, ethnologique, sociologique et mythologique. Estelle Faye cependant possède assez de talent pour inclure dans l’intrigue ces multitudes de détails accentuant son réalisme sans inutilement l’embouteiller, gardant ainsi intacte l’attention du lecteur propulsé de rebondissements en rebondissements au rythme d’une action qui ne perd jamais son indispensable sens du suspense. Dans ce second tome, nous allons découvrir un Aedon, le frère mal intentionné de Thya, dont l’ambition dévorante va le faire tomber dans les filets d’Hécate, la dangereuse Reine des cauchemars. Celle-ci, en effet, a décidé de se rebeller contre la fin programmée des anciennes divinités, et entends bien briser l’élan d’une chrétienté que rien ne semble pouvoir arrêter. Pour cela, elle compte sur Aedon, tout juste débarrassé de la tutelle de son père qu’il avait essayé d’assassiner, et dont la dévorante ambition le pousse à rêver d’un Empire romain sorti de la déchéance qui le gangrène et revenu à sa gloire conquérante d’antan. Un Empire que, bien entendu, il dirigerait. De son côté Thya, accompagnée de son oncle Gnaeus Aylus, le Diseur des Monts, chef de la révolte des barbares contre l’autorité romaine, et d’un Enoch qui a pris peu à conscience de son pouvoir d’éveiller la brume, sans toutefois le contrôler, et qui transporte le fidèle Sylvain nommé Minuscule dans sa besace,   pense un moment trouver refuge chez la tribu germanique des Nodes, qui ont longtemps souffert de la domination de l’Empire Romain. Cependant, ces derniers ne les accueillent pas comme prévu, et ils échappent de peu à la mort. Désormais guidée par ses visions faisant référence aux mystérieux Dieux Voilés, divinités plus vieilles que la civilisation Etrusque  remontant au temps de l’Atlantide et dotées d’incommensurables pouvoirs, Thya s’embarque vers Constantinople pour y retrouver un autre de ses oncles qui succombera bientôt sous les coups des séides d’Aedon.  C’est vers l’empire Sassanide que s’oriente bientôt son destin lancé éperdument dans une quête dont elle ne saisit pas elle-même toutes les implications avec pour objectif les immenses étendues du désert du Vide. Contreforts du Caucace, Route de la Soie, guerriers Parthes en lutte contre les Sarrazins, sa route sera semée d’embûches et l’obligera à se séparer du troublant Enoch à qui elle n’ose pas véritablement déclarer son amour. En parallèle à sa fuite et à la traque conduite par le tandem Aedon/Hécate, nous suivons également le parcours de personnages secondaires qui prennent une tout autre épaisseur, comme le Faune du début du premier tome, une ondine, le petit dieu Culsans et l’illustre Apollon sorti de sa retraite pour se mêler à ce faisceau de machinations où s’entremêlent les destins des dieux et des hommes. Cette alternance de points de vue, loin de nuire au récit, lui donne encore plus de consistance et nous guide lignes après lignes vers un final en apothéose qui, s’appuyant sur la thématique des trames temporelles, ouvrira de nouvelles perspectives à l’univers jusque-là voué à l’extinction des Oracles et des Dieux Anciens. Assurément une belle réussite de la fantasy historique francophone qui trouvera son aboutissement dans Ayla, dernier tome de la série que les éditions Folio vont également mettre à leur catalogue.
Autre couverture :