(Roman) Voyages dans le Temps
AUTEUR : Robert
Charles WILSON (Canada)
EDITEUR : Gallimard-Folio SF 621, 12/2018
— 458 p., 8.40 €
TO : Last
year, Tor Books, 2016
TRADUCTION : Henry-Luc Planchat
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédente publication : Denoël-Lunes d’Encre, 5/2017 — 367 p,
22 €/Couverture de Aurélien Police
→ Du
mariage entre western et science-fiction on peut garder le navrant souvenir du
film Cow-boys et Extraterrestres, ou bien conserver le souvenir de la lecture
de ce passionnant roman. Voilà un livre bâti sur le principe de la cohabitation
temporelle ici formalisée par la construction d’une véritable Cité du futur
bâtie par les hommes du XXIème siècle en plein Far West de 1876 grâce à la
maîtrise de la technologie du Miroir qui permet désormais les déplacement
temporels. De cette rencontre plutôt inattendu les deux camps tirent
abondamment partie : les visiteurs du futur en jouissant à prix d’or d’un
gigantesque parc d’attraction directement branché sur le passé avec pour point
d’orgue des excursions hors des limites de la cité ; les locaux, triés sur
le volet, en s’octroyant un aperçu d’un futur étourdissant où les femmes ont le
droit de vote et peuvent s’exprimer sur tous les sujets, où les mariages
homosexuels sont autorisées et où un noir peut devenir président des USA, le
tout éventuellement ponctué d’une balade en hélicoptère. Les premiers sont
parfois surpris par la rudesse du Gilded Age qui a suivi les dégâts de la
guerre de céssecion en découvrant une
société, raciste, sexiste injuste et violente
menacée par toutes sortes de maladie et bien loin des brochures
touristiques fournit par Auguste Kemp, le promoteur du XXIème à l’origine de la
construction de la Cité. Les seconds, par contre, passé leur premier mouvement
de recul face aux mœurs dissolues qu’ils découvrent au fil de leur visite, ne
manquent pas d’être impressionnés par les prouesses technologiques dévoilées
par ces visiteurs du futur. Des visiteurs qui ont promis de leur en abandonner
quelques-unes lorsqu’ils quitteront les lieux après 5 années d’exploitation du
site. Mais la coexistence entre les quatre populations qui occupent cet univers
clos, les employés locaux, les employés du futur, les visiteurs locaux et les
le voyageurs venus du futur, n’est pas aussi rose qu’elle le paraît. C’est ce
que va découvrir Jesse Cullum, ancien videur de Los Angelès, devenu l’un des
plus anciens employés de Futurity. Affecté à la sécurité de la Tour 2 qui
reçoit les touristiques locaux, il sauve la vie du président Ulysse Grant
victime d’une tentative d’assassinat. Promu grâce à cet exploit, Jesse doit
désormais enquêter sur le trafic d’arme révélé par la découverte de l’arme
utilisée par le meurtrier, un Glock, qui n’a rien à voir avec ses ancêtres les
colts de l’année 1876. Epaulé dans ses investigations par Elisabeth DePaul, une
ex-militaire issue du futur, Jesse va peu à peu mettre à jour l’impact négatif
de cette construction de l’avenir sur le présent des locaux, ainsi que les
dégâts occasionnés par les activistes opposés au projet qui, pour le combattre,
n’hésitent pas à provoquer des mutations sociales inappropriées au sein d’une
population autochtone pas encore prête à les emmagasiner. Tout au fil de
l’ouvrage le lecteur aura la désagréable impression, à travers la
condesendances affichés par les visiteurs du futur envers le monde du Far West,
de se revoir en tant que visiteur de zoo à notre propre époque ou dans la peau
d’un quelconque touriste embrigadé dans un tour operator qui n’hésite pas à les
confronter, avec l’indispensable recul et le luxe de sécurité adéquat, à la
misère accumulée de certains pays du tiers-monde. En évitant l’écueil des
paradoxes temporels, car la technologie du Miroir, application dévoyée de la
mécanique quantique, ouvre sur un univers parallèle qui n’est pas situé sur la
même trame temporelle que ce Far West de 1876, l’auteur nous offre une
rencontre entre deux monde, finement décrits dans la première partie du livre
en prenant soin de laisser à chaque époque le langage de son temps, ce qui
conforte la crédibilité du récit. Pointant habilement le doigt sur les
imperfections des civilisations en
présence, l’intrigue se prolonge dans la seconde partie du roman en approfondissant l’enquête policière de
Jesse et de DePaul, développant sans trop de longueur les relations entre les
divers personnages dans un univers où les apprentis sorciers venus du futur
semblent ne pas se soucier des dommages collatéraux que créent leur simple
présence. De quoi nous ramener de façon détourné à des contingences de notre
propre réalité où certains membres éclairés de nos sociétés pratiquent le même
cynisme envers des individus classés hâtivement dans le cadre mal défini des
« défavorisés ». Un élément qui, ajouté au style fluide et captivant
de l’auteur, ne peut qu’inciter à la lecture de ce nouveau livre de cet auteur
naturalisé canadien déjà bien connu du lectorat français à travers des romans
tels que Spin, Mystérieum ou Les chronolithes, pour ne citer qu’eux,
tous parus, comme la plupart des titres de cet écrivain chez l’éditeur Denoël
et dans la collection Lunes d’Encre jusque là dirigée par le perspicace Gilles
Dumay avant, comme ce dernier tire, d'être repris en poche chez Folio.
Autre couverture :
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