♦ Les
Seigneurs de Bohen ♦
(Roman) Fantasy
AUTEUR : Estelle FAYE (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio
SF 637, 5/2019 — 727 p., 9.50 €
COUVERTURE : Pierre Droal
Précédente publication :
Editions Critic, 2/2017 — 636 p., 25 €/Couverture de Marc Simonetti
→
C'est avec un réel plaisir que j'ai accueilli la réédition en poche de ce
volumineux roman d'Estelle Faye, auteur française dont nous avons déjà eu
l'occasion de lire chez Folio la remarquable trilogie uchronique de La voix des oracles destinée à un public
plus adolescent. Et, pour une fois, nous somme enfin confronté à un one shot
(même si la fin reste néanmoins ouverte à une suite que nous avons découvert en
2019 avec Les révoltés de Bohen aux
éditions Critic) qui ne nous condamne pas à des séries à n'en plus finir dont
souvent les volumes perdent peu à peu consistance au fil de leurs publications.
Qui plus est, l'auteure a ancré son intrigue au sein d'un univers original qui,
une fois n'est pas coutume, puise son inspiration dans une ambiance slave
trahie par des termes tels que margrave, byline, vodianoï… pour n'en citer que
quelques uns. On y découvre le redoutable empire de Bohen qui a bâti sa
puissance sur l'extraction du minerai de lirium, un métal précieux que certains
appelaient le sang blanc du monde, arraché aux mines de Katow-Ser, véritable
enfer placé sous l'autorité des Sœurs de l'Epée, surveillés par les
gardes-chiourmes les plus cruels de l'Empire, et constamment sous la menace des
attaques de goules vestiges de la magie démoniaque de l'ancienne civilisation
des Wurms. C'est au sein de cet univers riche en contraste dont Estelle Faye
esquisse peu à peu la carte au fur et à mesure du déroulement du récit, que
vont se punaiser les différentes intrigues centrées sur plusieurs protagonistes
dont l'histoire et les points de vue alternent au fil des chapitres entrecoupés
d'interlude servant à développer les divers soubresauts qui agitent le corps de
cet Empire tentaculaire. D'abord Sainte-Etoile, jeune moine ayant échappé à
l'incendie de son monastère pour être recueilli par une sorcière qui lui a
implanté dans la tête Morde, une créature surnaturelle avec qui il dialogue
désormais au fil de ses pérégrinations. Devenu escrimeur hors pair ce dernier
est poursuivi par les exactions de la
secte qu'il a jadis créé et dont la fin apocalyptique lui a valu de nombreuses
inimitiés. Puis Wens, jeune clerc de notaire condamnée pour hérésie et mise en
danger de l'Empire après avoir engrossé la princesse Othylie qui s'était juste
servie de lui pour concevoir son enfant. Wen amené avec sa sœur aveugle Sélène
dans les sinistres mines de Katow-Ser où il était destiné à rapidement mourir
avant que son destin l'entraîne dans les bras de Sorenz ab Abahain, chef de
mercenaires adulés par ses hommes et redouté par l'Empire car il possédait une
sorte de monopole sur les canons et les armes à feu rendant sa troupe, d'autant
plus dangereuse. Enfin Maëve, la jeune morguenne, entendez magicienne, issue du
port des Havres, qui mésestime ses pouvoirs basés sur la manipulation du sel et
qui entretien un lien étrange avec l'océan et les terribles Vaisseaux Noirs,
flottes fantomatiques dont les flux et reflux viennent semer la désolation le
long des côtes de l'Empire. C'est à travers les parcours entrecroisés de ces
individus pourtant bien éloignés du pouvoir dominant que va peu à peu s'étendre
sous nos yeux le déclin d'un Empire qui a négligé les fondamentaux en pensant
qu'il était destiné à perdurer contre vents et marées. Loin des envolées
épiques que nous promet un quatrième de couverture mettant l'accent sur
l'accent dark fantasy du roman, nous allons plutôt nous laisser glisser dans
les pas de personnages tourmentés autant dans leurs trajectoires de vie que
dans leurs attirances sexuelles où l'homosexualité est partie prenante qui nous
font partager l'intimité de leurs aspirations et de leurs désespérances dans
une monde fragilisé par les bouleversements d'une révolution grandissante et
parcouru par la persistance de la magie, qu'elle soit issue de l'Ombre en
souvenir d'une ancienne époque, ou le propre de fascinants changeformes, sans
oublier celle des Vaisseaux Noirs qui hantent les étendues marines. Des vies
narrées en trompe l'œil sur la toile d'un monde en effervescence d'où émergent
des lieux incomparables, comme la cité de Bo-Chai perdue au cœur d'une jungle
où les fantômes se mélangent aux vivants, et la mortifère Katow-Ser, poumon
gangréné d'un Empire qui ne veut pas croire à sa mort prochaine. Des vies que
nous découvriront en narration alternée dans la droite ligne du désormais
célèbre Game of Thrones et auxquelles l'auteure à su nous attacher par le biais
d'une introspection de tous les instants sans cependant véritablement nuire à
l'avancée du récit, nous conduisant inexorablement dans le sillage des nouveaux
Seigneurs de Bohen.
Autre couverture :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire