♦ Le paradoxe de
Ferni
♦
(Roman) Postcataclysme
AUTEUR : Jean-Pierre BOUDINE (France)
EDITEUR :
GALLIMARD-Folio SF 579, 5/2017 — 224 p., 6.60 €
COUVERTURE : Aurélien
Police
Précédente publication :
● Aléas, 10/2002 — 176 p., 12 € — Couverture
de Jean-Pierre Petit
→ Pas de catastrophes
naturelles, d’invasions extraterrestres, d’épidémies massives ou de virus
incontrôlables sur toile de fond de zombies dans ce roman, qui aboutit pourtant
au même résultat : la fin de l’Humanité que nous connaissons. Celle-ci
nous est froidement restitué sous la forme d’un cahier à la Anne Franck par un
ultime survivant réfugié dans une grotte contreforts alpins afin d’échapper à
ses semblables. Le narrateur commence nous décrire son existence digne du
meilleur scénario de « survival » entrecoupée de chasse au mulot et
de réflexions autour d’un discret feu de camp. Puis, au fil des lignes, il revient
sur les diverses étapes qui ont conduit au chaos. Pas d’événements majeurs au
sens strict du terme pour débuter le drame, sinon une vulgaire crise financière de février 2022.
Sous la plume du mathématicien épris de philosophie et de tendance extrême-gauche
Jean-Pierre Boudin, la suite découle d’elle-même et, Robert Poinsot, le
malheureux héros de cette décomposition en marche, nous entraîne dans son
sillage au fil d’une lente agonie sociale, urbaine et généralisée. Paralysée
par ses inter implications parmi les rouages d’une société technocratiques hyper informatisée et pêchant par un manque
flagrant de dimension sociale, le monde médiatisé à l’extrême que nous
connaissons ne résiste pas à la surchauffe de son système économique suranné
incapable de s’adapter aux viscicitudes du moment. Et tandis que la pandémie se
répand à travers les cinq contient, frappant Europe et Amérique sans
discernement, l’homme se retrouve confronté à l’animalité viscérale qui a
toujours grouillé en lui et qui l’a poussé aux pires horreurs, même au moment
de sa gloire. Lancé dans une fuite en avant qui lui fait quitter un Paris livré
aux bandes de prédateurs en tous genre, Robert trouve un temps dans la bonne
ville de Beauvais, un havre de pais inespéré. Mais, tandis que le château de
carte de la civilisation s’écroule un peu partout autour de lui, il doit
prendre les devants et fuir encore plus loin pour éviter de tomber dans les
mailles du filet de la déshumanisation en marche. Le voilà désormais sur les
bords de la Baltique, devenu membre d’une communauté humaniste qui a acté la
fin de l’Humanité puisqu’elle a interdit en soin sein toute naissance. Narrant
à la première personne la suite des événements qui le conduise à nouveau sur
les routes afin d’éviter à tous prix la funeste compagnie de ses semblables,
Robert en termine avec son échouage au sein de l’arc alpin où il ne peut que se
résoudre à attendre patiemment la fin en décrivant ses derniers jours sur un
petit calepin laissé derrière lui comme une sorte de message dans une bouteille
jetée à la mer. Paru une première fois aux éditions Aleas en 2002, le livre,
sous l’impulsion de Gilles Dumay a été actualisé pour être republié dans la
collection Lunes d’Encre des éditions Denoël en 2015. C’est cette deuxième
version que nous proposent aujourd’hui en
poche les éditions Folio. Celle d’un court roman qui répond à sa manière
au fameux paradoxe énoncé par le physicien Encrico Fermi en 1950 disant en
résumé que, le Soleil étant plus jeune que bon nombre d’étoiles de la galaxie,
des civilisations plus avancées que la notre aurait du apparaître depuis bien
longtemps, et nous en aurions eu connaissance. Or, il en est rien. D’où la
conclusion implicite à laquelle en arrive l’auteur que je peux vous livrer sans
déflorer l’intérêt du livre : quelle que soit le point où elle a germé
dans l’univers, la vie intelligente est autodestructrices et génère en son sein
une technologie qui finit irrémédiablement par la conduire à sa perte. Voilà
pourquoi nous sommes désespérément seuls face aux étendues étoilées et pourquoi
nous le resterons, puisque, en définitive, nous serons responsables de notre
propre disparition. Un livre qui peut se présenter comme tragiquement
prophétique par rapport aux problèmes que soulèvent jour après jour notre
sombre quotidien que vient éclairer l’édifiante postface de Jean-Marc Lévy
Leblond.

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