jeudi 4 avril 2019

Blues pour Irontown
(Roman) SF/Détective
AUTEUR : John VARLEY (Grande-Bretagne)
EDITEUR : DENOËL-Lunes d'Encre, 2/2019 — 261 p., 21.90 €
TO : Irontown blues, 2018
TRADUCTION : Patrick Marcel
COUVERTURE : Studio Denoël
→ La Grande Panne qui a affecté le Calculateur central de Luna a durablement bouleversé l'existence de des habitants de cette cité,  d'abord simple accumulation de grottes et couloirs excavés  au sein de notre satellite, puis véritable agglomération aux quartiers simulés permettant à leurs occupants de vivre au sein d'illusions rappelant les régions et les époques de la Vieille Terre. Cela a notamment été le cas de Christopher Bach, un ex policier reconverti en détective privé. Désormais il vit dans la Mozartplatz, un canyon artificiel de trente-cinq kilomètres de long où il s'est recréé un environnement typique du style Manhattan des années 30 par amour pour une période marquée par les Chandler, les Hammett, Sax rohmer, Rex Stout et Mary Roberts Rinehart. Pour l'accompagner dans ses enquêtes il peut compter sur l'aide de Sherlock, son chien cybernétiquement augmenté qui permet à l'auteur de nous proposer d'astucieux chapitres aux points de vues alternés, d'une part du côté du maître humain, d'autre part de celui du chien qui nous est rendu à travers le prisme d'une traductrice interprète qui se branche sur les pensées qui circulent entre le cloud et le chien dorénavant pourvu d'un réseau neuronal semblable à celui des humains. Et voilà notre duo de choc embarqué dans une aventure qui va leur causer bien des soucis qui a débuté par l'arrivée dans le bureau de Christopher d'une certaine Mary Smith, une jeune femme qui lui demande de retrouver celui qui lui a volontairement inoculé une lèpre incurable issue de laboratoires de synthèse. Dés lors, outre le fait que cette énigmatique cliente semble cacher des tas de secrets inavouables, le pire pour notre Mike Hammer lunaire c'est que sa piste le conduit invariablement vers Irontown, un lieu frappé du sceau du très mauvais souvenir liés à La Grande panne, autre roman de Varley, et aux aventures de Hildy Johnson. A sa décharge, l'endroit n'a rien de bien recommandable. Territoire à la marge, refuges des exclus de la société lunaire, il abrite toutes sortes de looser, de criminels, de sociopathes et d'extrémistes en tous genres, tels les Heinleinistes, des libertariens profondément marqué par L'Histoire du futur du romancier américain Robert Heinlein. Prolongement au cycle de Huit Mondes, qui peut se lire indépendamment du reste des livres de la série, ce roman nous propulse dans le paradis individualiste où presque tout est autorisé (même les transformations corporelles les plus extravagantes) dans lequel se sont réfugiés la poignée de survivants de l'implacable invasion extraterrestre qui a éparpillé les rares rescapés terriens sur les sols inhospitaliers de la lune, de Mars, de quelques astéroïdes et de quelques planètes extérieures et de leurs satellites  comme la dangereuse Charon où s'est développée une civilisation formée sur une racine d'anciens déportés. Surveillé, manipulé, capturé puis transplanté loin de son cocon de réalité programmé, Christopher va se trouver embarqué dans une redoutable conspiration mettant en jeu la coexistence sur les Huit Mondes. L'avantage toutefois c'est que, grâce à la double narration, et surtout à l'humour qui se dégage à travers chaque intervention du détective à quatre pattes, nous proposant son regard sans complaisance souvent teinté d'un totale incompréhension sur les étranges contradictions de la condition humaine, nous sommes emportés dans une intrigue haletante prodiguant un incontestable plaisir de lecture et, après tout, n'est pas surtout ce que l'on attend d'un bon roman qu'il soit de SF ou qu'il emprunte les détours de n'importe quelle autre thématique ?

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