(Roman) Science-Fiction
AUTEUR : Joël HOUSSIN
(France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 535, 9/2015 — 336 p., 8.50 €
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédentes publications : Présence
du Futur 486, 3/1989 — 278 p., 8.50 € — Couverture de Philippe Gauckler
→ Joël Houssin aime le socialement incorrect
et l’univers urbain, et il prend un malin plaisir à décliner à travers ses livres
toutes les dérives vers lesquelles conduisent la rencontre entre ses deux
thématiques. Dés ses premières nouvelles dans la revue fiction il a montré que
sa trajectoire littéraire empruntait une pente engagée et plus tard enragée
avec la saga du Dobermann adaptée à l’écran
par Jean Kouenen. Avec Argentine
réédité aujourd’hui chez Folio après une première parution dans la célèbre
collection Présence du Futur de Denoël en 1989, il nous dépeint un univers
carcéral à ciel ouvert symbolisé par Argentine, gigantesque ville prison se
dressant en plein désert où sont enfermés les descendants des opposants
politiques d’Amérique du Sud. Une cité en déliquescence rongée par la drogue,
le sexe, la corruption, véritable égout à ciel ouvert où la nourriture se
confond avec les immondices et où la violence trône à tous les coins de rues,
territoires privilégiés de bandes disparates qui règnent en surface, sur les
toits ou dans les sous-sols. Ajoutez à ce melting pot détonant des flics télépathes
et l’omniprésence du MET, le mur d’enceinte temporel invisible qui entoure la
ville, surnommé Matrix par la population carcéral, et vous aurez une petite
idée d’un enfer à la manière de Bosch revisité à la sauce futuriste. Dérivation
cauchemardesque d’un avenir clairement inspiré par les résurgences de notre
présent, le monde d’Argentine se met à disjoncter encore plus que nécessaire
lorsque le MET commence à se dérégler. Car voilà que Matrix accouche de
véritables cyclones temporels dont les tourbillons transforment les malheureuses
victimes en tas de squelettes dépossédés en quelques minutes de leurs maigres
contingents d’années à vivre. Au sein de cloaque soumis aux imprévisibles
agressions temporelles va émerger la personnalité d’un anti-héros
charismatique, Diego, ancien caïd sous le nom de Golden Boy, qui voit dans ces
phénomènes destructeurs l’occasion de se racheter une conduite. En effet, il a
su mieux que d’autres déceler au sein de ces ouragans voleurs de temps d’étranges
plages de répit, des sortes d’œil du cyclone où il est encore possible à un
être humain déterminé de prendre son destin en main. Alors que la folie de
Matrix est parvenue à venir à bout du Contrôleur-Dictateur et fragilise de plus
en plus les autorités, Diego va retrouver la trace de Jorge et Gabriella, son
frère et sa sœur qu’il a longtemps cherchés, faisant désormais parti des trois
bébés, anciens adultes qui ont régressés, devenus les autorités suprêmes de ce
monde en perdition. Roman choc traversé d’images brussoliennes, ce récit flirte
avec l’action violente et la marginalité comme ce fut le cas pour Blue, titre du Fleuve Noir que le
dessinateur Gauckler (celui qui a œuvré pour la couverture de la première
édition Denoël) adapta en BD et nous offre une vision plus que réaliste d’un
proche futur pas si loin de notre présent où le bien et le mal, l’horrible et
la beauté, tendent à se confondre, comme dans le personnage emblématique d’Aurora,
la femme-double, dont la moitié droite du visage appartenait à la plus belle
femme du monde et la gauche à une vieillarde quasi centenaire. Un livre qui a
reçu le prix Apollo à sa sortie en 1990 et qui marquait l’entrée dans la respectable
collection Présence du Futur d’un auteur d’ordinaire cantonné au catalogue plus
populaire de la collection Anticipation du Fleuve noir.
Autre
couverture :
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