dimanche 10 juin 2018


Sous béton
(Roman) SF
AUTEUR : Karoline GEORGES (Québec)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 602, 3/2018 — 210 p., 7.25 €
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédentes publications : Alto, 9/2011  188 p., 20.95 €
Claustrophobes s'abstenir. Voici un roman qui aurait pu s'inscrire dans les lignées de horrifiques Cube ayant fait frémir de délicieux frissons cinématographiques des générations d'adolescents. Plongé dans un futur à peine calqué sur la dégénérescence de l'avenir urbain concentrationnaire vers lequel nos sociétés compulsive et dépersonnalisées semblent conduire irréversiblement, nous voici épinglés à la narration à la première personne de l'Enfant, et invités à partager tout à la fois, ses interrogations, ses angoisses, et sa propre vision de l'Edifice, énorme tour de milliers d'étage dans lequel sont regroupés des ersatz d'humanité emprisonnés sans aucune ouverture vers l'extérieur au sein d'un univers familial réduit à sa plus simple expression. Car, pour le père qui s'abrutit et la massacre, et la Mère minée par la terreur d'une expulsion qui signifie la mort à l'ombre de ces murs prisons, l'Enfant n'est qu'une contrariété de plus au sein d'un environnement privé d'émotions et de sexualité dans lequel seule la survie compte. Calfeutrés dans des cellules familiales, privées de contacts humains qu'ils ne recherchent d'ailleurs pas, surveillés par des gardiens impitoyables, condamnés à des travaux répétitifs par écrans interposés, les êtres qui peuplent cet univers minéral ont abandonné tout espoir et se contente de dérouler leurs existences monocordes au rythme d'instants présents qui se renouvellent à l'infini jusqu'à ce que la lumière de la vie s'éteigne au fond de leurs yeux mornes. L'Enfant pourtant possède dans son regard la bribe d'une étincelle. Celle de l'interrogation qui, au fur et à mesure qu'il grandit, s'imposera à lui. Pourquoi dehors n'y aurait-il que poussière à manger ? Pourquoi les exclus devraient-ils se dévorer les uns les autres ? Passé maître dans l'art de feindre le sommeil, l'Enfant appris à se focaliser sur la fissure et finit pas provoquer sa propre disparition. Voyage épique hérissé de questionnement, celui-ci le conduit au sein de la Matière Noire, hors du Béton Total qui sécurisait l'Edifice, sans que la découverte de cet horizon inattendu ne réponde vraiment aux questions qu'il se posait et n'en apprenne plus au lecteur sur l'origine de cet enferment, l'époque où il se déroule et les raisons de l'établissement de cette organisation monastique oublieuse de toute notion de liberté individuelle. Une dystopie dérangeante conduite à travers une expérience littéraire inédite qui tranche avec des thématiques antérieures voisines, comme le IGH de Ballard ou le 1984 d'Orwell (pour le côté surveillance) et qui ne finit pas laisser un désagréable goût d'amertume dans la bouche lorsqu'on a refermé la dernière page de ce livre récompensé au Québec lors de sa première parution en 2012.
Autre couverture :

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