♦ Sous béton ♦
(Roman) SF
AUTEUR : Karoline GEORGES (Québec)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio
SF 602, 3/2018 — 210 p., 7.25 €
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédentes publications :
Alto, 9/2011 188 p., 20.95 €
→ Claustrophobes
s'abstenir. Voici un roman qui aurait pu s'inscrire dans les lignées de
horrifiques Cube ayant fait frémir de
délicieux frissons cinématographiques des générations d'adolescents. Plongé
dans un futur à peine calqué sur la dégénérescence de l'avenir urbain
concentrationnaire vers lequel nos sociétés compulsive et dépersonnalisées
semblent conduire irréversiblement, nous voici épinglés à la narration à la
première personne de l'Enfant, et invités à partager tout à la fois, ses
interrogations, ses angoisses, et sa propre vision de l'Edifice, énorme tour de
milliers d'étage dans lequel sont regroupés des ersatz d'humanité emprisonnés
sans aucune ouverture vers l'extérieur au sein d'un univers familial réduit à
sa plus simple expression. Car, pour le père qui s'abrutit et la massacre, et
la Mère minée par la terreur d'une expulsion qui signifie la mort à l'ombre de
ces murs prisons, l'Enfant n'est qu'une contrariété de plus au sein d'un
environnement privé d'émotions et de sexualité dans lequel seule la survie
compte. Calfeutrés dans des cellules familiales, privées de contacts humains
qu'ils ne recherchent d'ailleurs pas, surveillés par des gardiens impitoyables,
condamnés à des travaux répétitifs par écrans interposés, les êtres qui
peuplent cet univers minéral ont abandonné tout espoir et se contente de
dérouler leurs existences monocordes au rythme d'instants présents qui se
renouvellent à l'infini jusqu'à ce que la lumière de la vie s'éteigne au fond
de leurs yeux mornes. L'Enfant pourtant possède dans son regard la bribe d'une
étincelle. Celle de l'interrogation qui, au fur et à mesure qu'il grandit,
s'imposera à lui. Pourquoi dehors n'y aurait-il que poussière à manger ?
Pourquoi les exclus devraient-ils se dévorer les uns les autres ? Passé maître
dans l'art de feindre le sommeil, l'Enfant appris à se focaliser sur la fissure
et finit pas provoquer sa propre disparition. Voyage épique hérissé de
questionnement, celui-ci le conduit au sein de la Matière Noire, hors du Béton
Total qui sécurisait l'Edifice, sans que la découverte de cet horizon inattendu
ne réponde vraiment aux questions qu'il se posait et n'en apprenne plus au
lecteur sur l'origine de cet enferment, l'époque où il se déroule et les
raisons de l'établissement de cette organisation monastique oublieuse de toute
notion de liberté individuelle. Une dystopie dérangeante conduite à travers une
expérience littéraire inédite qui tranche avec des thématiques antérieures
voisines, comme le IGH de Ballard ou le 1984 d'Orwell (pour le côté
surveillance) et qui ne finit pas laisser un désagréable goût d'amertume dans
la bouche lorsqu'on a refermé la dernière page de ce livre récompensé au Québec
lors de sa première parution en 2012.
Autre couverture :
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