mercredi 20 mars 2019




La cité du futur
(Roman) Voyages dans le Temps
AUTEUR : Robert Charles WILSON (Canada)
EDITEUR : Gallimard-Folio SF 621, 12/2018 — 458 p., 8.40 €
TO : Last year, Tor Books, 2016
TRADUCTION : Henry-Luc Planchat
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédente publication : Denoël-Lunes d’Encre, 5/2017 — 367 p, 22 €/Couverture de Aurélien Police
Du mariage entre western et science-fiction on peut garder le navrant souvenir du film Cow-boys et Extraterrestres,  ou bien conserver le souvenir de la lecture de ce passionnant roman. Voilà un livre bâti sur le principe de la cohabitation temporelle ici formalisée par la construction d’une véritable Cité du futur bâtie par les hommes du XXIème siècle en plein Far West de 1876 grâce à la maîtrise de la technologie du Miroir qui permet désormais les déplacement temporels. De cette rencontre plutôt inattendu les deux camps tirent abondamment partie : les visiteurs du futur en jouissant à prix d’or d’un gigantesque parc d’attraction directement branché sur le passé avec pour point d’orgue des excursions hors des limites de la cité ; les locaux, triés sur le volet, en s’octroyant un aperçu d’un futur étourdissant où les femmes ont le droit de vote et peuvent s’exprimer sur tous les sujets, où les mariages homosexuels sont autorisées et où un noir peut devenir président des USA, le tout éventuellement ponctué d’une balade en hélicoptère. Les premiers sont parfois surpris par la rudesse du Gilded Age qui a suivi les dégâts de la guerre de céssecion  en découvrant une société, raciste, sexiste injuste et violente  menacée par toutes sortes de maladie et bien loin des brochures touristiques fournit par Auguste Kemp, le promoteur du XXIème à l’origine de la construction de la Cité. Les seconds, par contre, passé leur premier mouvement de recul face aux mœurs dissolues qu’ils découvrent au fil de leur visite, ne manquent pas d’être impressionnés par les prouesses technologiques dévoilées par ces visiteurs du futur. Des visiteurs qui ont promis de leur en abandonner quelques-unes lorsqu’ils quitteront les lieux après 5 années d’exploitation du site. Mais la coexistence entre les quatre populations qui occupent cet univers clos, les employés locaux, les employés du futur, les visiteurs locaux et les le voyageurs venus du futur, n’est pas aussi rose qu’elle le paraît. C’est ce que va découvrir Jesse Cullum, ancien videur de Los Angelès, devenu l’un des plus anciens employés de Futurity. Affecté à la sécurité de la Tour 2 qui reçoit les touristiques locaux, il sauve la vie du président Ulysse Grant victime d’une tentative d’assassinat. Promu grâce à cet exploit, Jesse doit désormais enquêter sur le trafic d’arme révélé par la découverte de l’arme utilisée par le meurtrier, un Glock, qui n’a rien à voir avec ses ancêtres les colts de l’année 1876. Epaulé dans ses investigations par Elisabeth DePaul, une ex-militaire issue du futur, Jesse va peu à peu mettre à jour l’impact négatif de cette construction de l’avenir sur le présent des locaux, ainsi que les dégâts occasionnés par les activistes opposés au projet qui, pour le combattre, n’hésitent pas à provoquer des mutations sociales inappropriées au sein d’une population autochtone pas encore prête à les emmagasiner. Tout au fil de l’ouvrage le lecteur aura la désagréable impression, à travers la condesendances affichés par les visiteurs du futur envers le monde du Far West, de se revoir en tant que visiteur de zoo à notre propre époque ou dans la peau d’un quelconque touriste embrigadé dans un tour operator qui n’hésite pas à les confronter, avec l’indispensable recul et le luxe de sécurité adéquat, à la misère accumulée de certains pays du tiers-monde. En évitant l’écueil des paradoxes temporels, car la technologie du Miroir, application dévoyée de la mécanique quantique, ouvre sur un univers parallèle qui n’est pas situé sur la même trame temporelle que ce Far West de 1876, l’auteur nous offre une rencontre entre deux monde, finement décrits dans la première partie du livre en prenant soin de laisser à chaque époque le langage de son temps, ce qui conforte la crédibilité du récit. Pointant habilement le doigt sur les imperfections  des civilisations en présence, l’intrigue se prolonge dans la seconde partie du roman  en approfondissant l’enquête policière de Jesse et de DePaul, développant sans trop de longueur les relations entre les divers personnages dans un univers où les apprentis sorciers venus du futur semblent ne pas se soucier des dommages collatéraux que créent leur simple présence. De quoi nous ramener de façon détourné à des contingences de notre propre réalité où certains membres éclairés de nos sociétés pratiquent le même cynisme envers des individus classés hâtivement dans le cadre mal défini des « défavorisés ». Un élément qui, ajouté au style fluide et captivant de l’auteur, ne peut qu’inciter à la lecture de ce nouveau livre de cet auteur naturalisé canadien déjà bien connu du lectorat français à travers des romans tels que Spin, Mystérieum ou Les chronolithes, pour ne citer qu’eux, tous parus, comme la plupart des titres de cet écrivain chez l’éditeur Denoël et dans la collection Lunes d’Encre jusque là dirigée par le perspicace Gilles Dumay avant, comme ce dernier tire, d'être repris en poche chez Folio.
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Moi, Peter Pan
(Roman) Merveilleux
AUTEUR : Michael ROCH (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 628, 2/2019 — 144 p., 6.80 €
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédentes publications : Mü Editions, 2/2017 — 136 p., 13.50 €/Couv. : Fanny Liabeuf
Au Pays Imaginaire les blêmes ne sont jamais les bienvenus. Alors, lorsque Peter, Roi des Enfants Perdus et Prince des Poux en découvre un en la personne d'un môme qui boitille agacé par les bavettes que taillent la nuit les petites bêtes qui pique-nique sur sa bedaine, il n'hésite pas un seul instant à se pencher sur son cas et, en fin psychanalyste, à découvrir le bas qui blesse : le môme ne se souvient plus de son prénom. Autant philosophe que poète, celui qui désormais se fait appeler Pan, tout simplement, va donc aider les petites bestioles à remuer leurs méninges et à  fabriquer un nom à l'enfant. Ainsi va la vie pour celui qui est devenu le Comte des jeux de Gros Mots et qui, dans les Bois perdus, au cœur de la Forêt Interdite, ainsi nommée car il y a des mots que l'on ne doit pas y prononcer  pour ne pas troubler ceux qui finissent d'exister sous les racines des grands arbres, poursuis les noms portés par ceux qui ont grandi et qui ont quitté le Pays Imaginaire. Or, depuis le départ de Wendy, l'angoisse et les doutes rongent douloureusement celui qui transforme vite son air triste en joli masque-sourire quand Lili la Tigresse vient lui rendre visite la nuit dans sa petite cocabane suspendue au-dessus du village des Enfants Perdus. Une jolie princesse indienne qui devra à nouveau intercéder en sa faveur lorsqu'il sera capturé par les terribles Chasseurs. Mais ce sera son ennemi de toujours, le redoutable et pathétique Capitaine Crochet qui, tout en pointant vers lui son sabre émoussé, mettra a nue la véritable blessure de son âme et le forcera à affronter son Destin dorénavant manipulé par le sentiment qui le harcèle, la terrible peur de grandir. Michaël Roch auteur, chroniqueur et co-créateur de la chaîne YouTube la Brigade du Livre nous livre ici non sa propre vision de héros de James Barrie, mais une approche narrative  à la fois magique, oniriques, mais aussi métaphysique et philosophique durant laquelle Peter se livre involontairement à nous au fil de ses réflexions et des rencontres toujours porteuses de sens des multiples personnages peuplant ce livre mythique. Une manière de briser le cocon de désinvolture qui s'attache à ce personnage pour, à travers le partage de ses doutes et de ses appréhensions,  ramener le lecteur à sa propre vision du monde en quelque sorte réveillée par les rebonds des chapitres tendant à nous inciter de façon délicate, amusante et subtile, à retrouver  l'insouciance de notre enfance.
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Chasse royale
(Roman) Fantasy Historique
AUTEUR : Jean-Philippe JAWORSKI (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 620, 12/2018 — 592 p., 8.30 €
SERIE : Rois du monde 3
COUVERTURE : Aurélien Police
Précédentes publications : Les Moutons Electriques, 6/2017 — 352 p., 24 €/Couverture de Sébastien Hayez
→ Bellovèse, le héros de ce qui devait, de prime abord, être une trilogie de Jean-Philippe Jaworski, a commis deux fautes impardonnables. D'abord en choisissant le parti de son oncle, le haut roi Ambigat assassin de son père, l'ancien roi Sacrovèse, ensuite en se sacrifiant pour protéger sa fuite. Bizarrement, au lieu de le tuer, on le capture. Rien de réjouissant en cela, car Bellovèse ramené chez les siens qui ne manquent pas une occasion de manifester la haine qu'ils éprouvent envers sa traîtrise, s'attend à subir une mort lente et douloureuse que ce soit de la part d'Arctinos, roi des Eduens, qu'il a failli trucider au combat, de ce puissant sorcier appelé jadis le gutuater et devenu le grand druide, ou de sa sœur Prittuse haute reine déchue de Celtique. Il en est à se perdre en conjonctures sur quel lugubre chemin prendra son avenir, quand le destin lui joue un nouveau tour par le biais d'une compagnie de guerriers qui l'enlève à ses bourreaux pour l'entraîner dans un éprouvant voyage durant lequel il ne reste en vie qu'en s'accrochant aux souvenirs de son passé. L'occasion pour l'auteur à travers ces flashback de s'étendre sur les événements qui se sont déroulés entre le premier volet de la saga et ce second roman qui nous permet de redécouvrir un Bellovèse désormais chargé de famille et quelque peu mûri par le passage des ans ainsi que ses relations intimes avec son entourage, comme cet autre héros, son propre frère, Ségovèse. Ce n'est qu'au bout de ce pénible cheminement dont la destination reste longtemps enveloppée de mystère que nous finissons par découvrir l'identité des fameux juges qui vont statuer sur le sort du félon. Dés lors, nous voyons peu à peu Bellovèse s'engluer dans la toile tendu par la diabolique Prittuse, reine aux pouvoirs magiques qui le met constamment à l'épreuve, jouant avec ses émotions en lui permettant à  la fois de revoir sa mère et sa fille, la tendre Sacrilla, mais en lui demandant de sacrifier Mapillos, son plus fidèle serviteur. Une ambiance de faux semblant, de perfidie et de trahisons ou rien ne semble être tel qu'il le paraît, un peu comme dans l'épisode de la série Games of Thrones où la jeune Arya Stark devient une Sans Visage. Largement phagocyté par l'emprise des femmes le fil de l'intrigue, comme la laine d'une pelote que l'on file très lentement, baigne dans une aura de magie et de mythes que L'auteur excelle à nous faire découvrir par petites touches et luxe de détails, faisant le bonheur de tous les lecteurs épris de civilisation celtique dont les clans guerriers et les rituels magiques nous ont ici finement relatés. Parti du rang de demi-mort, celui des captifs chez ces peuples combattants, Bellovèse doit se livrer à une profonde introspection tout en apprenant à profiter des moindres failles de son entourage et à jouer le rôle qui lui est imparti afin de laisser un peu de mou au fil de la marionnette qu'il semble être devenu entre les mains des êtres qui s'amusent à jouer avec sa destinée. Cependant, convaincu des propriétés fascinantes du tissage et des implications surnaturelles qui en émanent, il sait qu'il lui reste un espoir d'échapper à ceux qui veulent le contrôler et de partir vers cet Autre Côté où ce ne seront plus les autres qui traceront les lignes de son avenir. Un roman attractif servi par une érudition sans faille et une écriture toujours aussi ciselée qui nous rappelle combien Jean-Philippe Jaworski est devenue une plume marquante de la fantasy francophone contemporaine.
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vendredi 15 mars 2019


Le marteau des sorcières
(Roman) Fantasy Historique
AUTEUR : Fabien CERUTTI (France)
EDITEUR : GALLIMARD-Folio SF 626, 2/2019 — 453 p., 7.40 €
SERIE : La Bâtard de Kosigan 3
COUVERTURE : Alain Brion
Précédentes publications : Mnémos-Icares, 8/2017 — 336 p., 20 €
Les autres titres de la série :
1.L'ombre du pouvoir
2.Le Fou prend le roi
4. Le testament d'Involution
→ Avec la réédition en poche de ce troisième volet du cycle du Bâtard de Kosigan, Fabien Cerutti passionné de jeu de rôle, de jeu vidéo et agrégé d'histoire poursuit l'écriture de sa série de Fantasy historique qui le place aux côtés d'écrivain talentueux tels la Mary Gentle britannique (Le Livre de Cendres)  et du français Jean-Philippe Jaworski (Récits du Vieux Royaume). Cet avant dernier tome des aventures du fameux Bâtard continuent d'interpénétrer les intrigues entre un Moyen Age pénétré par la magie et un 19è siècle où celle-ci semble avoir été occultée des registres de l'Histoire. A travers les échanges épistolaires entre Kergael, le descendant du Bâtard, aidé de tout un réseau de connaissances, d'intellectuels et de savants, dont Léopold Delisle, le directeur de la BNF, va tenter de comprendre pourquoi ont a voulu effacer la trace des Anciens Peuples au sein de la destinée du monde. Cela a failli lui coûter la vie, car il passé la majeure partie du 2ème tome du cycle dans le coma après la tentative d'assassinat orchestrée par les Antagonistes, une congrégation qui, depuis des siècles s'efforce de préserver le secret entourant la présence du surnaturel dans notre continuum historique. Heureusement Kergael peut compter sur l'aide de ses amis historiens et surtout de l'Arche, la secte opposée aux Antagonistes qui lui apporte son appui depuis qu'il a reçu en héritage le mystérieux coffret émanant de son aïeul, le controversé Bâtard. Et puisque l'on parle de lui, le récit parallèle que nous invite à suivre Fabien Cerutti permet de le retrouver à Cologne au cœur du Saint Empire Germanique pendant l'été 1340. A la tête d'une nouvelle compagnie de mercenaires qui compte encore des têtes biens connus des lecteurs des précédents romans, il se rend dans cette région à l'invitation du duc Dagmar-Karl von Hohenstaufen qui semble sur la bonne voie pour devenir le prochain dignitaire destiné à remplacer l'empereur vieillissant entendant préparer sa succession de son vivant. Cependant toute une série de disparitions d'enfants et d'attaques de convois tendent à décrédibiliser sa candidature, et c'est là qu'interviennent Pierre de Kosigan et sa compagnie chargés de ramener le calme dans la région. Or, en vérité, ce nouvel engagement permet au Bâtard d'assouvir sa propre quête d'informations en pénétrant dans la région dont est originaire sa mère afin de tenter de découvrir d'où lui vient ce don mystérieux, le Noir Sang, qu'il a reçu en héritage.  Accueilli par le chevalier Gunthar von Weisshaut, être mi-homme mi-lion, il va très vite être confronté à l'emprise que développe la Sainte Inquisition sur cette région de la Westphalie. A sa tête le cardinal Las Casas, surnommé le Marteau des Sorcières tant les bûchers fleurissent sur son passage, sous le prétexte de pourchasser les hérétiques, à l'intention de s'approprier leur puissance et compte y gagner une immortalité qui lui permettra de se hisser à la tête de l'Eglise et de régner sur l'Occident. Force va donc être à Kosigan de composer avec le camp ennemi représenté par le Cénacle Lunaire ou Mondkreises, l'organisation des sorcières, et leurs principales égérie les sœurs Laura et Willie Stein en fuit depuis qu'elles ont tenté d'assassiner le Pape. C'est d'ailleurs avec l'une d'entre elle que le Bâtard conclura un accord secret qui l'entraînera dans une multiplicité d'aventures semés de combats et de rencontres féminines toujours aussi sensuelles. Porté par une style fluide et générateur de suspense, le récit de Cerutti qui prend ici le parti d'alterner les points de vue tout au fil de l'intrigue continue d'entraîner le lecteur dans les méandres d'un Moyen Age fantasmagorique et d'un 19 siècle complotiste tendant à créer une histoire alternative qui nous transporte avec ravissement vers un dernier tome intitulé Le testament d'Involution où nous devrions recevoir les réponses à toute les questions que pose ce cycle marquant de la Fantasy francophone.
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Cavalier dragon
(Roman) Jeunesse / Aventures Fantasy
AUTEUR : Cornelia FUNKE (Allemagne)
EDITEUR : GALLIMARD-Hors Collection, 10/2018 — 512 p., 16.90 €
SERIE : Cavalier dragon 1
TO : Drachenreiter, Celilia Dressler, Verlag, Hambourg, 1997
TRADUCTION : Marie-Claude Auger
COUVERTURE : Laura Ellen Anderson
ILLUSTRATIONS : Cornelia Funke
CARTE : Alexis Snell
Préédentes publications : sous le titre Le cavalier dragon
Hachette Jeunesse-Hors Collection, 9/2005 — 528 p., 15 €/Couverture de Arnaud Cremet
Le Livre de Poche Jeunesse 1295, 6/2007 — 572 p., 6.50 €/Couverture de Arnaud Cremet
→ Avec Cœur d'Encre, ce splendide roman sur le pouvoir des mots et des livres qui allait être suivi de Sang d'Encre et Mort d'Encre, l'écrivaine allemande Cornelia Funke avait su conquérir une renommée internationale qu'elle allait asseoir avec la parution de Cavalier dragon qui s'inscrit dans la lignée des histoires d'amitié unissant de jeunes héros aventureux auxquels le lecteur adolescent peut facilement s'identifier à un animal fabuleux dont le symbole le plus frappant reste le dragon. Lorsque, en 2005, Le cavalier dragon paraissait en France chez Hachette Jeunesse avec, en couverture, un splendide dragon montée par un jeune garçon (et une petite kobolde) comme  dans L'Histoire sans fin le film de Wolgang Petersen (1984) tiré du livre de Michael Ende, la Fantasy n'avait pas encore atteint en France son rythme de croisière et Krokmou et Harold de la série Dragons de Cressida Cowell n'avaient pas encore envahi les salles de cinéma. Quand aujourd'hui les éditions Gallimard décident de reprendre le titre et de publier en même temps la suite tant attendue La plume du griffon, le genre a largement conquis son public et tient désormais une place prépondérante dans le domaine des littératures de l'imaginaire reléguant parfois le fantastique et la science-fiction à la portion congrue des rayonnages des libraires. Et en se replongeant dans le roman de Cornelia Funke aujourd'hui ont comprend vite comment il a pu motiver un réel engouement lors de sa parution. L'intrigue est simple et facile à suivre. Dans une vallée écossaise reculée vivent des créatures mythiques, dont les derniers dragons. Les hommes, qui ignorent tout de leur existence, et qui n'ont pas leur pareil pour saccager la nature dont ils son pourtant tributaires, ont décidé d'inonder leur vallée. Face à ce péril ressurgit une ancienne légende parlant de la Lisière du monde, un sanctuaire pour les dragons situé au cœur de l'Himalaya et invisible aux humains. Malgré le scepticisme de la plupart de ses congénères, Long, un jeune dragon plein de fougue, décide de partir à sa recherche. Accompagné de Fleur de Souffre, une petite kobolde au caractère bien trempé, il se rend dans la ville la plus proche afin de rencontre le rat Gilbert Grizzqueue détenteur d'une carte qui leur permettra d'atteindre leur but. Là, ils se lieront d'amitié avec Ben, jeune garçon orphelin qui désormais les accompagnera dans leur quête. Une aventure pleine de périls car, outre la rencontre avec des monstres marins et autres créatures fantastiques, ils devront se mesurer à Ortimore, un maléfique dragon doré  créé par un alchimiste perfide et gourmand qui l'a façonné afin de chasser les dragons à sa place et qui, lui aussi, recherche l'emplacement de la Lisière du Monde afin d'engloutir tous les dragons qui s'y trouvent. Aidés par le professeur Barnabas Wiesengrund, conscient de la présence de créatures mythiques à travers la planète, ce petit groupe d'aventuriers devra déjouer les multiples obstacles qui se dresseront sur leur route et rencontrera toutes sortes d'êtres singuliers tels que des gobelins de la forêt, des nains de pierre et Fil de Fer, l'homoncule, également façonné par le démoniaque alchimiste, dont Ortimore a dévoré les onze autres frères. Une quête qui trouve son écho parmi les dragons de la Lisière du Monde, un lieu sur lequel plane l'ombre de la mythique Sangri-La de la tradition Bouddhiste,  chez qui une prophétie parle d'une cavalier dragon qui viendra un jour les libérer de la menace du dragon doré mettant en danger leur petit monde, ainsi que chez les moines tibétains occupant le monastère pour lesquels l'arrivée de Long est synonyme de bonheur, comme cela est le cas dans les croyances populaires de nombreuses cultures orientales, contrairement au monde occidental où le christianisme a fait des dragons des engeances diaboliques confinées dans des rôles perfides et destructeurs. A noter que les créatures mythiques craignent les humains vus comme des êtres irrespectueux envers la nature, intolérants et peu enclins au pacifisme qui les transformeraient en spécimens de zoos, de musées, ou en objets de chasses, s'ils avaient connaissance de leur existence. Des préoccupations écologiques et touchant au vivre ensemble et à l'intolérance qui trouvent un lugubre écho dans le déroulement de notre quotidien et dans le cadre où évoluent nos société contemporaines. Une raison de plus pour découvrir ou redécouvrir ce livre qui bénéficient en outre de nombreuses illustrations intérieures en noir et blanc réalisées par Cornelia Funke.
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mardi 12 mars 2019

La plume de griffon
(Roman) Jeunesse / Aventures Fantasy
AUTEUR : Cornelia FUNKE (Allemagne)
EDITEUR : GALLIMARD-Hors Collection, 10/2018 — 426 p., 15.90 €
SERIE : Cavalier dragon 2
TO : Drachenreiter.Die Feder eines greifs, Celilia Dressler, Verlag, Hambourg, 2016
TRADUCTION : Marie-Claude Auger
COUVERTURE : Laura Ellen Anderson
ILLUSTRATIONS : Cornelia Funke
CARTE : Alexis Snell 
→ Il aura fallu attendre des années pour que Cornelia Funke donne une suite à sa série pour adolescents Cavalier dragon et qu'enfin elle soit publiée en France, les éditions Gallimard profitant de l'occasion pour rééditer le tome 1 sous une nouvelle présentation. Dans ce livre largement illustré par les dessins en noir et blanc de l'auteure nous retrouvons le jeune Ben Dupré et son dragon Long assistant aux derniers jours de Barbe d'Ardoise, un vieux dragon qui a trouvé refuge dans les cavernes de Mimameidr creusée dans un recoin de Norvège afin d'accueillir toutes sortes d'êtres fabuleux tels que les dragons qui n'avaient pas pu partir pour la lisière du monde, leur sanctuaire himalayen, mais aussi des trolls, des lutins ou des sirènes. Avec sa sœur Guenièvre, Fleur de Souffre, la kobolde quelque peu jalouse du lien le rattachant à Long, et de Fil de Fer, l'homoncule créé par un alchimiste dont le dragon Ortimore avait dévoré les onze frères, il apprend que Syneffo, la jument du dernier couple de Pégases, ces chevaux ailés porte-bonheur,  existant dans le monde a été mordue par un serpent. Pour la sauver, il faut la ramener à Mimameidr avec Anemos, son étalon et leurs trois œufs fraichement pondus qu'il faudrait soumettre à une plume de griffon dont les tuyaux contiennent une substance qui assure la croissance même du métal et de la pierre si l'on veut espérer qu'ils donnent naissance à de nouveaux pégases, les derniers de leur espèce. Or les griffons sont des êtres fabuleux fiers de leur cruauté et leur aptitude à tuer. Embarqué dans la machine volante du troll Hothbrod et de sa copilote la rate Lola Grizzqueue Ben se lance donc dans une nouvelle et périlleuse aventure : dénicher une plume de griffon, farouches créatures que l'on dit particulièrement attirées par l'or. Voyageant de Norvège, en Inde puis dans les îles indonésiennes Ben et ses compagnons finiront par se confronter au redoutable Kraa, un roi parmi les griffons qui ne rêve que d'une chose : défier en combat singulier leur ennemi héréditaire, un dragon, et, en l'occurrence, il s'agira de Long. Non contente d'illustrer cette suite tant attendue Cornelia Funke nous fournie à travers le chapitre Qui est qui en fin de volume une liste de toutes les créatures fabuleuses présentent dans ce livre et s'adresse à travers ses notes aux jeunes lecteurs français en leur expliquant pourquoi elle avait mis tant de temps à poursuivre les aventures de Ben et de Long. Une merveilleuse occasion de retrouver la famille Dupré si attaché à  la protection des créatures magiques en danger et de se plonger dans un récit fertile et émotions et rebondissements